Oh la belle comète

Depuis l’avènement de la théorie astronomique, chaque réapparition de comète à l’heure prévue a connu son lot de battage publicitaire, quoique l’on peut se questionner sur l’utilité de prédire l’arrivée du facteur demain. C’est ainsi que se bâtissent des réputations de cartomanciens. Une comète dissidente ? Explications et tours de passe-passe. La comète d’Encke, revenue à des intervalles croissants. Les astronomes ont fourni des explications. Et ils savent expliquer, croyez-moi ! Démonstration du ralentissement, reformulation des équations. Au même moment la chose qui ralentissait s’est mise à accélérer.

Et la comète de Halley.

L’astronomie, « la science parfaite, nous plaisons-nous à dire chez les astronomes » (Jacoby)

Je pense que dans une existence réelle, un astronome qui ne saurait calculer correctement une longitude serait redirigé vers le purgatoire, c’est-à-dire avec le commun des mortels, jusqu’à sa réforme.

Revenons à notre comète de Halley. En 1910 tout le monde jurait l’avoir vue, quitte à se parjurer. Sinon, c’était faire outrage à un phénomène grandissime que nul ne pouvait décemment ignorer.

Mais, à bien y penser, l’espace est sans cesse sillonné de comètes, puisqu’on en découvre chaque année.

Si une comète déroge à sa période, on invoque une perturbation. Un an de retard pour Halley… perturbée.

Au début de 1910, une comète bien plus lumineuse que la pâlotte Halley traversa le ciel. Si Halley avait disparu pour de bon, l’honneur des astronomes aurait été sauf. La nouvelle venue dérogeait-elle aux prévisions ? Perturbation.

[…] Je me souviens des terribles prédictions d’astronomes honnêtes et crédules qui nous ont royalement hypnotisés en 1909, sans doute sous hypnose eux-mêmes à l’approche de Halley.

[…] L’événement eu pour effet d’imprimer chez chacun la certitude d’avoir vu la comète de Halley et que le jeu en valait la chandelle.

(Extraits du Livre des damnés, Charles Fort, 1919)

J’ajoute :

« Au 27 septembre 2021, le Centre des planètes mineures (MPC) répertorie 4 573 comètes ».

Ce qui distingue une comète d’une autre et permet de l’identifier est une abstraction hasardeuse. Si un astronome m’affirmait que la goutte de pluie qui vient de tomber sur mon nez est en fait la même goutte qui était tombée sur le sien un an avant j’aurais du mal à le contredire. Est-ce que la feuille qui vient de tomber d’un arbre est la même feuille qui tombe chaque année de la même branche ? Elles se ressemblent, elles ont le même ADN, ça doit être vrai. Les feuilles et les comètes n’ont pas de carte d’identité à laisser par terre.

On peut croire cette vision astronomique, vu les immenses succès de l’astronomie pour ses explications et prédictions. Avec plus de 4500 comètes déjà répertoriées, dont beaucoup ont une période de moins de 10 ans, je vous prédis avec certitude qu’en 2023 une comète traversera le ciel. Si vous ne la voyez pas c’est de votre faute.

Les astronomes lui ont déjà donné un nom : C/2022 E3 ZTF.

Je vous prédis aussi que le ciel sera nuageux en janvier et vous ne la verrez pas. C’est pas grave, la NASA vous montrera des dessins.

Et Neptune ?

Je pourrais parler de l’autre grand tour de force fictif de l’astronomie : la découverte de Neptune.

La prédiction de Le Verrier était qu’il existait une planète au delà d’Uranus. Selon un autre astronome, Hansen, il y avait deux planètes. Et d’après Sir George Biddle Airy « il n’y en avait sans doute aucune ». On doit sûrement pouvoir trouver des astronomes qui en prévoyaient 3, 4, 5, l’infini etc… D’ailleurs on doit compter Pluton ou pas ?

Selon les calculs précis de Le Verrier on devait trouver l’objet à tel endroit à tel moment. L’astronomie ce n’est pas de l’approximatif, c’est du travail d’horloger mathématicien. C’est la science simple par excellence : il n’y a qu’une force à prendre en compte, la gravitation. Et très peu d’objets en interaction. Heureusement car dès qu’il y a plus de 2 objets c’est chaotique et donc indéterministe. Comme c’est toujours le cas dans la réalité… alors on simplifie. L’exact devient de l’à peu près, mais comme pour un artiste qui fait des trucs moches le scientifique doit savoir vendre son résultat, en criant bien fort.

On a découvert un objet ailleurs, dont la taille et la période ne correspondaient pas à la prophétie du calcul gravitationnel de Le Verrier. Au point que Le Verrier a dit lui-même que l’objet découvert n’était pas la planète de ses recherches.

Tant pis, on dira quand même que c’est Neptune, c’est ainsi. Ont-ils vu Neptune ? D’ailleurs avez-vous déjà vu Neptune vous ?

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