Platisme et globisme

J’ai vu de nombreux débats sur la forme de la Terre. Les gens sont divisés en deux camps principaux : globistes et platistes. Ils ont chacun des preuves irréfutables et sont convaincus d’avoir raison. Je pense qu’avant de se lancer dans ce genre de discussion et de conclure il faut bien comprendre le problème. Or pratiquement personne ne semble en connaître les bases.

Pourriez-vous définir ce qu’est une forme ? Une forme est-elle absolument unique ou peut-elle dépendre de l’observateur et de l’échelle d’observation ? Savez-vous ce qu’est une dimension spatiale ?

Prenons une feuille de papier, sa forme est un rectangle. Enroulons la pour que deux bords soient l’un contre l’autre, c’est désormais un cylindre. Continuons d’enrouler la feuille, ça reste un cylindre mais avec des couches superposées en spirale.

Lorsqu’on a enroulé la feuille de papier, on a modifié sa forme. En effet, on admet que l’espace contenant la feuille est resté plat. Mais on aurait obtenu le même résultat si l’espace s’était courbé dans une direction. La feuille serait toujours un rectangle plat dans cet espace courbé.

Une dimension spatiale est définie par une direction (composée de 2 sens opposés), une métrique (qui permet de définir les longueurs), et une courbure (qui décrit comment varie la direction d’un point à un autre). Ces propriétés sont celle de l’espace, le contenant des objets ayant un volume et une forme.

La grande majorité part du principe que l’espace est plat et que la métrique est uniforme. Il est constitué de trois dimensions. L’espace tridimensionnel plat peut être entièrement décrit par trois axes perpendiculaires donnant chacun une direction et un sens arbitraires. La métrique est homogène, ce qui signifie que 1 cm n’importe où sur un axe vaut 1 cm ailleurs sur l’axe, mais aussi dans une autre direction. On n’a pas besoin de graduer l’ensemble de l’espace et on peut donner une unique longueur. Ces trois axes avec leur unité de longueur forment un repère orthonormé.

Notez que les physiciens ont imaginé des théories où il existe plus de 3 dimensions d’espace, par exemple les nombreux modèles de la théorie des cordes (qui n’est pas une théorie mais des modèles basés sur une même hypothèse). Puisqu’on ne voit que 3 dimensions, où sont les autres ? Selon eux elles seraient enroulées sur elles-mêmes à petite échelle. Je vous laisse imaginer ce que ça signifie concrètement…

Au lieu d’une feuille de papier imaginez maintenant une feuille élastique comme du caoutchouc. On a dessiné les graduations sur toute la feuille, ce qui donne l’équivalent d’une feuille de cahier à petit carreaux, qui font chacun 0,5 cm de côté. Maintenant étirons la feuille dans une direction. Les carreaux deviennent rectangulaires : la métrique a changé, 0,5 cm dans une direction valent plus de 0,5 cm dans la direction perpendiculaire.

Imaginez qu’on enroule la feuille dans ses deux directions en même temps. Le bord droit irait sur le bord gauche, le bord du dessus irait sur le bord du dessous. Quelle serait la forme de la feuille ? Dans la pratique on ne peut pas le faire, mais c’est mathématiquement possible. Et si la feuille était considérée comme tridimensionnelle, une feuille très épaisse, et qu’on l’enroule aussi dans la direction de son épaisseur ?

J’ai donné des exemples simplistes, on ne peut pas faire autrement. C’est compliqué de courber un objet 3D dans notre espace 3D, le résultat n’est pas une forme qu’on serait capable de percevoir. Mais on sait très bien le faire mathématiquement.

Lorsqu’on parle de la forme de la Terre on utilise des arguments de ce type :

  • C’est un globe car elle est formée sous l’effet de la gravitation. Celle-ci étant isotrope, et la sphère est la seule forme préservant la symétrie spatiale.
  • Les images de la NASA montrent que c’est une sphère.
  • La mesure locale de la courbure avec une onde électromagnétique (par exemple un laser qui va d’un point A au point B situés à la même hauteur par rapport à une même surface d’eau) montrerait que le trajet lumineux est droit.
  • La distance du trajet d’un point A au point B, voire la possibilité d’aller du point A au point B selon certaines trajectoires est possible ou impossible selon une des deux formes envisagées.
  • Le mouvement relatif de la Terre et d’autres astres, le soleil, les étoiles etc..

Je ne vais pas détailler tous les arguments et ce qu’ils traduisent précisément. Je vous dis juste qu’aucun de ces arguments ne permet de conclure. Ou plutôt, ils permettent tous de conclure (sauf les photos de la NASA qui ne sont pas un argument scientifique valable), mais leurs conclusions ne sont pas nécessairement en accord entre elles.

Je l’avais déjà expliqué en prenant l’exemple (fictif) du trou noir, qui est un espace infini vu de l’intérieur mais une sphère vu de loin. (Dans cet exemple la métrique devrait normalement aussi tenir compte du temps, la métrique de la durée.) Il s’agit du même objet, avec la même forme, mais observé dans deux types d’espaces différents.

Dans la série Dr Who, le Tardis est un bel exemple où on voit un objet différemment selon d’où on l’observe. Vu de l’extérieur c’est une cabine téléphonique, qui a une taille pour potentiellement accueillir un ou deux humains. Mais une fois dedans on se retrouve dans une grande pièce où des dizaines de personnes pourraient prendre place. Laquelle de ces descriptions est juste ? Les deux, car l’espace a une métrique différente à l’intérieur de l’extérieur.

Tardis vu de l’extérieur :

Et maintenant une partie du Tardis vue depuis l’intérieur :

La forme est relative à son contenant. On doit donc commencer à parvenir à donner une bonne description de l’espace et des dimensions pour pouvoir discuter de la forme d’un objet. On sait, selon la relativité générale, que l’objet déforme l’espace qui l’entoure. Pour la Terre cet effet est négligeable, mais on ne peut l’affirmer que si on estime que la relativité générale est correcte.

J’ai éviter de complexifier le problème avec plusieurs niveaux de réalité imbriqués dans des espaces complexes. Le sceptique dira que ce sont des foutaises et qu’il n’y a pas à envisager cette hypothèse. Mais il faut être d’une arrogance extrême pour affirmer que la seule possibilité c’est ce qu’on a établi il y a quelques décennies à peine.

Avant de se battre sur le sujet il faut donc réaliser que ce n’est pas un problème aussi simple qu’il en a l’air. Vous pouvez avoir raison avec vos arguments, mais celui qui dit le contraire a peut-être aussi raison. Il vaut mieux bien comprendre la problématique plutôt que de chercher à avoir la conclusion juste sans comprendre. Avoir raison ou tort est relatif à ce qu’on sait, ce qu’on comprend et ce qu’on est capable de concevoir dans notre modèle subjectif de la réalité.

Pour terminer je vous cite Jacques Bergier :

« J’estime qu’il y a une possibilité pour que ces idées ne soient pas des légendes et pour que la belle forme ronde de la Terre ne constitue qu’une seconde approximation, la forme plate étant la première. Mais comment serait-il possible que la Terre ne soit pas ronde ? Il est difficile de répondre à cette question sans rentrer dans des mathématiques extrêmement compliquées. Mais disons tout de même que les mathématiciens connaissent ce qu’ils appellent des surfaces de Riemann qui sont composées d’un grand nombre de couches qui ne sont ni les unes au-dessus des autres ni les unes au-dessous des autres »

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