
Qu’est-ce que l’alchimie ?
Pour la plupart des gens de notre époque, un alchimiste est un vieux barbu un peu farfelu ou complètement fou qui passe ses journées dans une cave transformée en laboratoire où sont entreposés des bocaux sur des étagères, contenant divers ingrédients comme des yeux de crapauds. Il tient à la main une fiole de liquide fumant obtenu en mélangeant au hasard ce qu’il avait sous la main, en distillant et en faisant fondre tout ce qui peut l’être. Il cherche à comprendre les secrets de la matière et ses réactions, avec l’espoir d’obtenir un jour la fameuse pierre philosophale qui transforme le plomb en or et qui lui offrira la vie éternelle. L’alchimie aurait disparu lorsqu’on a commencé à comprendre les réactions chimiques et établi le tableau des éléments. L’alchimie était les balbutiements de la chimie. Le chimiste moderne n’a donc rien à apprendre de l’alchimiste, c’est évident.
Tout ceci est complètement faux. L’alchimie est autre chose, bien plus que la chimie des ignorants.
Des érudits sérieux
Commençons avec l’idée du vieux barbu fou dans sa cave. Voici quelques personnages célèbres ayant pratiqué l’alchimie : Isaac Newton (mathématicien, physicien, astronome et théologien), Saint Thomas d’Aquin (philosophe et théologien), Démocrite (philosophe, considéré comme un des précurseurs de la notion d’atome), Alexandre Dürer (peintre et graveur), Rodolphe II de Habsbourg (Empereur germanique), Jean XXII (Pape), Sylvestre II (Pape), Carl-Gustav Jung (psychiatre et psychanalyste), Marcelin Berthelot (chimiste, homme politique et écrivain), Jérôme Bosch (peintre), Francis Bacon (Chancelier et philosophe).
Il est difficile de faire plus sérieux et sains d’esprit que ces individus. Je n’ai encore entendu personne affirmer que Carl-Gustav Jung était fou, en tout cas certainement pas plus que son ami-rival Sigmund Freud. Et il est difficile de trouver plus sérieux et respectable que Sir Isaac Newton, considéré comme un génie des mathématiques et de la physique, membre anobli de la Royal Society, un homme au caractère austère très loin de l’image de l’hurluberlu excentrique qui aime jouer avec des fioles et des pattes de lapin.
On peut remarquer plusieurs choses. D’abord l’alchimie n’était pas une science de fous mais une pratique élitiste. Il fallait en effet disposer de beaucoup de temps et de moyens financiers pour se permettre de passer des journées ou des nuits dans son laboratoire. Ensuite on voit que les alchimistes étaient des érudits dans des domaines différents : il y avait à la fois des nobles, des religieux, des physiciens, des médecins, des philosophes ou des artistes. Une autre chose importante à remarquer est que ces savants ne débutaient pas en se consacrant à l’alchimie pour ensuite aller vers des domaines plus sérieux. C’était toujours le contraire : ils étaient d’abord érudits dans les sciences ou les arts avant de se diriger vers l’alchimie. Il s’agit souvent d’un travail d’initiés, qui devaient recevoir un enseignement de maîtres. Ensuite on peut voir que les alchimistes ont existé partout. On retrouve d’abord des savants Chinois ou Musulmans, des Grecs de l’Antiquité puis beaucoup d’occidentaux à partir du 13ème siècle. (Dans l’histoire des occidentaux le temps s’est arrêté entre l’antiquité et la fin du Moyen âge.)
Le comte de Cagliostro est présenté comme médecin, occultiste et alchimiste sur les sites parlant d’alchimie ou d’occultisme. Il est présenté autrement dans l’encadré de l’encyclopédie Wikipédia (la référence du discours sérieux officiel pour le contrôle de la pensée unique) : professions « escroc, faussaire, possible espion » et activité principale « mage autoproclamé ». Il est pourtant bien écrit dans l’article qu’il est devenu infirmier puis médecin au séminaire du couvent des Fatebenefratelli à Caltagirone. Toujours sur Wikipédia, on trouve dans l’article sur les Quatre Éléments : « La base de l’alchimie est la théorie élémentaire d’Aristote revisitée par les savants arabo-musulmans du Moyen Âge ». Qui peut croire à ça quand on sait que l’alchimie était pratiquée dans la Chine ancienne ? De plus les théories d’Aristote sont difficilement applicables à l’alchimie, ce qui en est divulgué au grand public va plutôt à l’encontre de la compréhension de l’alchimie. Mais cela ne dérange pas trop les lecteurs de Wikipédia de concilier des informations contradictoires, car de nos jours on n’essaie plus de se faire une idée globale avec un regard objectif et critique, on adopte des fragments éparses de savoirs comme des vérités sans se poser trop de questions, puisque d’autres l’ont fait à notre place. Les quatre éléments (terre, eau, air et feu) ainsi que le cinquième (la quintessence ou Éther) sont effectivement souvent associés à l’alchimie, mais ils n’en sont pas le fondement ni vraiment éclairants pour cette discipline.
L’histoire de l’alchimie remonte à très loin, aussi loin qu’on parvient à retrouver des traces historiques écrites. Selon Nicolas de Valois les transmutations, les secrets et techniques de libération d’énergie ont été connus avant même l’écriture. Il est faux de croire que l’alchimie a disparu avec l’arrivée de la chimie. Ce sont des choses distinctes. La chimie est née au cours du 18ème siècle grâce à certains travaux d’alchimistes, mais les réactions entre divers composés ne sont qu’une parcelle de la pratique alchimique. Il y a encore eu des alchimistes au 19ème siècle, au vingtième et il en existe encore actuellement. Est-ce que ce sont des idiots qui ne savent pas que la chimie existe ? Pas du tout. En 1920, C.G. Jung était bien informé que la chimie avait été inventée, tout comme Patrick Burensteinas aujourd’hui.
Que peut nous apprendre l’alchimie ?
Qu’est-ce que l’alchimie et que peut-elle nous apprendre ? Ce serait difficile à définir en détail sans passer pour un illuminé. Comparer un alchimiste à un chimiste c’est comme comparer un exorciste à un psychanalyste. Si l’alchimiste et le chimiste cherchent à dompter la matière comme on dompterait un lion, le chimiste se contente de lui apprendre à sauter dans un cerceau enflammé alors que l’alchimiste rêve de faire du lion un griffon. L’esprit est absent de la chimie alors qu’il est fondamental en alchimie, tout comme l’âme de la matière. On a apparemment déjà eu du mal à accepter de donner une âme aux femmes et aux animaux, ce n’est pas pour admettre qu’un morceau de métal en aurait une. L’idée que la matière a une âme n’est pas si folle et on commence même à la redécouvrir, par exemple avec l’idée d’endocausalité proposée par le physicien Emmanuel Ransford pour expliquer le mécanisme de réduction de la fonction d’onde quantique.
L’alchimie va au-delà de la science et de l’art. C’est une pratique expérimentale nécessitant une pratique soutenue et méticuleuse, mais aussi une pratique occulte nécessitant un savoir d’initié. Les livres d’alchimie sont souvent incompréhensibles pour le commun des mortels. Il ne s’agit pas de simple recettes, mais plutôt de métaphores ou de messages codés.
Parlons un peu de réalisations alchimiques purement scientifiques.
« Les alchimistes parlent de la nécessité de distiller mille et mille fois l’eau qui va servir à préparer l’Élixir. Nous avons entendu un historien spécialisé dire que cette opération était démentielle. Il ignorait tout de l’eau lourde et des méthodes que l’on emploie pour enrichir l’eau simple en eau lourde. Nous avons entendu un érudit affirmer que le raffinage et la purification indéfiniment répétés d’un métal ou d’un métalloïde ne changeant en rien les propriétés de celui-ci, il fallait voir dans les recommandations alchimiques un mystique apprentissage de la patience, un geste rituel comparable à l’égrainage du rosaire. C’est pourtant par un tel raffinage au moyen d’une technique décrite par les alchimistes et que l’on nomme aujourd’hui la « fusion de zones » que l’on prépare le germanium et le silicium pour les transistors. »
Patrick Burensteinas, un alchimiste actuel, travaille parfois avec des industriels, comme des métallurgistes ou des chimistes.
L’alchimie procède souvent de réactions chimiques, mais ce n’en est qu’un moyen parmi d’autre, comme la transmutation des éléments. Changer le plomb en or avec la pierre philosophale, mais pas seulement. La transmutation se produirait autant dans la matière que dans l’esprit de l’alchimiste, qui serait transformé lui-aussi, ce qui est l’objectif réel des alchimistes. Pour le sceptique la réaction normale est de rejeter d’emblée ce genre de propos qui ne cadrent pas avec son système de croyances. Selon la physique et la chimie actuelle, la transmutation nécessite des réactions nucléaires de fission ou de fusion à haute énergie. La fusion froide est un rêve qui semble encore inaccessible. Pourtant des alchimistes y seraient parvenus, ils comprenaient donc mieux la matière que les scientifiques actuels.
La transmutation des éléments a été obtenue récemment d’une façon étonnante par le prix Nobel Luc Montagnier lorsqu’il faisait des expériences sur la mémoire de l’eau, améliorant celles de Jacques Benvéniste qui ont été violemment critiquées et attaquées au lieu d’être reproduites comme il se doit en science, comme si elles dérangeaient. En 2011 Montagnier a effectué des expériences avec deux éprouvettes : la première contenait de l’eau distillée, stérilisée et entièrement scellée pour garantir sa pureté, la deuxième contenait de l’eau avec un échantillon d’ADN. Il a placé les deux éprouvettes l’une à côté de l’autre, puis les a soumises à un champ électromagnétique de 7 Hz et a attendu. Dix-huit heures plus tard, des petits morceaux d’ADN s’étaient formés dans l’éprouvette d’eau pure. L’eau, constituée chimiquement d’hydrogène et d’oxygène, s’était en partie changée en des éléments comme le carbone sous l’effet du champ électromagnétique de faible énergie et organisée sous forme de molécules complexes composées de millions d’atomes.
Conclusion
Notre société moderne porte un regard dédaigneux sur l’alchimie, comme sur tous les autres savoirs anciens. Cette attitude est assez représentative de l’ignorance et de l’arrogance de ceux qui se disent sceptiques.
Les succès passés et présents de l’alchimie à produire des miracles, des impossibilités chimiques et physiques, devraient nous inciter à rester humble. Ces succès sont la preuve que notre science matérialiste ne décrit pas correctement la matière et ses transformations. Nous aurions beaucoup à apprendre dans les centaines de milliers de documents alchimiques que nous n’avons pas encore pris la peine d’étudier sérieusement.
« Voilà qui est inconcevable. Que de telles fermetures de l’esprit soient possible et durables, que des sociétés humaines très civilisées et apparemment, comme la nôtre, sans préjugés d’aucune sorte, puissent oublier dans leur grenier cent mille livres et manuscrits portant l’étiquette : « Trésor », voilà qui convaincra les plus sceptiques que nous vivons dans le fantastique. » (Pauwels et Bergier, 1960)