
J’avais écrit un article pour expliquer que l’existence de lois physiques immuables qu’on peut mettre sous forme mathématique est une hypothèse sans doute fondamentalement fausse, même si en pratique elle est utile et que l’univers matériel tend vers ce type de fonctionnement, par habitude. Voir l’article La fin des lois physiques. Pour me contredire on a utilisé plusieurs fois un argument du style : « Si je dois croire ce que tu dis alors le tableau périodique des éléments lui même n’aurait aucun fondement pourtant il reste immuable. » Cet exemple est intéressant et va me permettre de préciser, et aussi de parler de la matière.
Qu’est-ce que le tableau périodique ?
D’abord, que représente ce tableau ? C’est un ensemble de cases, chacune contenant un élément chimique. On dit qu’il est périodique car certaines propriétés se répètent. Au lieu d’être sur une seule ligne on a donc pu placer les éléments similaires en dessous des autres. Par exemple tous les éléments à la fin d’une ligne sont incapables de se lier chimiquement et de participer à des réactions chimiques. Ce tableau sert essentiellement à faire de la chimie et comprendre les réactions nucléaires. La chimie est basée sur un modèle où chaque élément est une brique de base, comme une brique Lego d’une certaine forme et taille. Prenons l’exemple simplifié d’une combustion : c’est la réaction où du carbone fusionne avec de l’oxygène. Du charbon, élément chimique carbone C, réagit avec l’oxygène de l’air O2, et donne du CO2. Dans cette réaction, un atome de carbone réagit avec deux atomes d’oxygène (ou une molécule de dioxygène). Certaines réactions nécessitent qu’on ajuste le nombre de molécules de chaque type pour tomber sur un nombre entier de réactifs et produits.
C’est essentiellement le but de ce tableau : définir des quantités relatives de chaque élément dans une réaction.

Revenons à ce que contient une case. La première est l’hydrogène. Il est défini comme l’élément dont le noyau a un seul proton. Ensuite vient l’hélium, qui contient deux protons. Et ainsi de suite : on passe d’une case à l’autre en ajoutant un proton. Les noyaux contiennent aussi des neutrons. L’hydrogène peut avoir un noyau composé seulement d’un proton, mais aussi d’un proton et d’un ou deux neutrons. On appelle parfois deutérium cet hydrogène « lourd » avec un neutron, et tritium celui avec 2 neutrons, mais c’est le même élément avec les mêmes propriétés chimiques, seule sa masse est différente. On appelle « eau lourde » l’eau qui est formée avec de l’hydrogène lourd au lieu de l’hydrogène habituel. Une case du tableau regroupe plusieurs noyaux, qui ont en commun le nombre de protons, mais avec un nombre de neutrons différents. On les appelle « isotopes ».
Généralement dans la nature la matière regroupe plusieurs isotopes. L’eau « normale » contient une certaine proportion d’hydrogène normal et d’hydrogène lourd. De même, notre organisme contient plusieurs isotopes du carbone, le plus courant est le carbone 12, c’est-à-dire avec 6 protons et 6 neutrons. (Il est par ailleurs entouré lorsqu’il est électriquement neutre de 6 électrons. C’est donc l’élément de la bête 6-6-6.)
Nous contenons aussi une certaine proportion de carbone fait de 6 protons et 8 neutrons, qu’on appelle carbone 14. Celui-ci n’est pas stable : il se désintègre pour devenir des éléments plus légers. Un être vivant ingère constamment du carbone, sa proportion de carbone 14 par rapport au carbone 12 est donc à peu près constante. Mais dès qu’il meurt, le carbone 14 va diminuer à une certaine vitesse. (Tous les 5600 ans environ, la moitié du carbone 14 disparaît.) C’est ainsi qu’on a établi la datation au carbone. Parlons un peu de cette datation. Comme toute mesure elle possède d’abord une imprécision du résultat mesuré. On ne peut pas obtenir un résultat parfaitement exact. Cette imprécision est bien connue et prise en compte, on nous donne donc un intervalle. Mais on oublie souvent de rappeler les hypothèses sur lesquelles elle est basée. On suppose que la désintégration du carbone 14 est constante, quelle que soit l’époque et l’environnement. On suppose que la proportion initiale des différents carbones est connue, qu’elle est la même que celle d’un organisme actuel. Mais comment affirmer avec certitude que la vitesse de désintégration du carbone était la même il y a des milliers d’années, et qu’elle sera toujours la même dans le futur ? Est-ce que certaines conditions ne la modifient pas, comme le magnétisme ou les propriétés locales du vide quantique ? (Je parle en réalité de l’éther, mais vide quantique est un terme mieux accepté par les sceptiques conformistes qui adoptent le « savoir immuable » de Wikipédia.)
Précisions
Affirmer que ce tableau périodique est en lui-même immuable ne veut pas dire que le modèle est correct, encore moins que les règles sont totalement comprises et immuables. L’existence d’un élément doit-elle être définie par un certain nombre de protons ? Pourquoi ne fait-on pas une case pour chaque isotope ? Les réactions chimiques sont-elles strictement identiques pour tous les isotopes sans exception ? Les réactions chimiques peuvent-elle changer selon les conditions et l’époque, comme la configuration des éléments ? La masse du proton et du neutron est-elle figée à jamais ? Sur quoi repose-t-elle ?
Un élément est défini par un nombre de protons. Or le proton est décrit comme constitué de 3 quarks. Ceci est une approximation simpliste. La théorie quantique des champs le décrit comme une suite mathématique constituée d’un nombre indéfini de particules. Certaines peuvent apparaître comme faites de 3 quarks échangeant des gluons, ou de davantage de quarks et de gluons.

Cela se complexifie encore quand on a plusieurs protons et neutrons, qui échangent entre eux des gluons et des photons, et même des électrons ! En effet un neutron du noyau peut devenir un proton, tandis qu’un proton devient le neutron, par l’échange d’un électron. Cet électron n’existe pas vraiment hors de cette réaction : il n’était pas « dans » le neutron, il était nulle part. Il n’a même pas vraiment existé, il est « virtuel ». Il peut être évacué de la réaction en faisant intervenir des particules virtuelles composées de 2 quarks, ou plutôt un quark et un antiquark.
Autres visions de la matière et des éléments
On peut envisager la matière comme autre chose que des briques de Lego. On peut dire qu’il s’agit de certains modes de vibration de l’éther, ou des notes d’une certaine musique, des vortex (ou trou noirs) comme le dit Nassim Haramein, etc… Une fois qu’on regarde ces notes, peut-on encore mettre un élément dans une case bien déterminée du tableau ? Est-ce qu’on doit dire qu’il n’existe qu’une case d’un élément appelé vibration d’éther ? Est-ce qu’on doit faire un tableau avec autant de cases que de modes possibles de vibration ? Etc… De plus, est-il impossible d’obtenir un certain mode de vibration de la matière qui serait entre deux cases ? Par exemple entre l’hydrogène et l’hélium, donc ne possédant ni un ni deux protons mais 1,5 ou 1,75 protons ? Qui a prouvé que ce mode est impossible, alors même que le nombre de quarks d’un proton est indéfini ?
Le tableau périodique des éléments, en tant que description des briques d’un modèle, est utile en pratique, notamment pour la chimie et la physique nucléaire. Mais rien n’interdit qu’on puisse un jour le remplacer par autre chose de plus fondamental. J’imagine par exemple une table des différents modes de vibrations de l’éther, ou chaque isotope serait ainsi dans une case séparée. Car de ce point de vue il est imprécis : il donne une masse moyenne à chaque élément et on ne peut pas déduire du tableau les différents isotopes possibles. Pour la pratique cela ne serait sûrement pas très utile, mais peut-être intéressant pour la compréhension plus profonde de la matière. Il existe une autre description intéressante que j’ai trouvée dans l’enseignement de Gurdjieff et certains occultistes : tout est hydrogène. Par exemple dans cette description, l’hydrogène de la chimie est H12, le fer serait H3072. Il s’agit des différentes octaves où sont parfois regroupés plusieurs éléments. Cela permet une nouvelle compréhension des modes de vibrations fondamentaux et de l’énergie.


Conclusion
L’objectif était avant tout de montrer que ce n’est pas parce que dans un certain modèle on a établi des briques figées que ça permet de conclure qu’elles sont bien définies et encore moins qu’elles sont figées pour l’éternité. La science consiste surtout à faire des modèles de plus en plus généraux qui sont utilisés dans certaines conditions moyennes pour des applications technologiques. Mais ces applications ne sont jamais la garantie d’une bonne compréhension. Jamais on ne pourra conclure que « les lois physiques sont immuables et peuvent être mises sous forme mathématique ». C’est un fait. Ce serait aussi idiot que de conclure de nos observations que « le soleil existe depuis toujours et existera toujours » parce qu’on l’a observé depuis que l’humanité existe. L’existence de l’immuabilité des règles physiques, des constantes et de la formulation mathématique, restera toujours une hypothèse de travail. Mais sa vérité ne peut pas être prouvée par la science. Son immuabilité encore moins.